Fille de Théodore Lalande, journalier, et de Finizia d’Amato,
elle milita à l’Union des Jeunes Filles de France en
1937. Elle organisa des collectes d’argent, de vivres et de
vêtements pour venir en aide à l’Espagne républicaine.
Dès que la collecte permettait de remplir un camion, celui-ci
partait de Sète en direction de Barcelone. Début 1941,
elle était responsable d’un groupe de Jeunes filles du
PCF avec Marie-Louise Cippola (Mirallès) et Antoinette Bonnieu-Denjean.
Ce groupe avait créé, avec les Jeunesses communistes,
une section artistique qui organisait des soirées dans tous
les villages de l’Hérault et plus particulièrement
aux alentours de Sète avec collecte d’argent, toujours
en faveur de l’Espagne,
mais aussi pour envoyer des colis aux jeunes filles dans les sanas
et venir en aide aux ouvriers qui se mettaient en grève.
Elle entra en 1942, dans un réseau de résistance FTPF.
Là, la collecte d’argent servait à venir en aide
aux maquis. Elle distribuait des tracts et des journaux clandestins.
Elle participa à l’organisation de manifestations et
notamment à celles des ménagères sétoises
pour réclamer des tickets de pain et participer aux manifestations
des dockers du port de Sète. Une des missions assignée
à son groupe était d’orienter les jeunes qui voulaient
se soustraire au STO vers la Résistance en leur proposant de
rejoindre les maquis de l’Hérault, de l’Aude, des
Pyrénées-Orientales, du Gard et même de l’Ariège
où elle avait le rôle d’agent de liaison. Arrêtée
le 4 octobre 1943, sur son lieu de travail à Sète, par
la PJ de Montpellier, elle fut écrouée à la maison
d’arrêt de Montpellier. Jugée le 18 janvier 1944,
par un tribunal spécial et condamnée à un an
de prison pour activité terroriste, elle fut transférée
à la prison des Baumettes à Marseille le 23 janvier
1944. Une évasion manquée la conduisit à la Petite
Roquette à Paris et à la centrale de Rennes où
elle fut remise aux Allemands par les autorités françaises.
Le 1er juin 1944, elle partit en wagon cellulaire pour l’Allemagne.
Ce fut un premier arrêt au camp de concentration de Sarrebruck
jusqu’au 16 juin 1944. À son arrivée dans ce camp,
toutes ses affaires et objets personnels furent confisqués.
Le 17 juin destination Ravensbrück où elle rencontra Martha
Desrumeaux, grande résistante du Nord et militante ouvrière.
Affublée d’une robe rayée, de claquettes pour
tous souliers, d’une gamelle et d’une cuillère
à garder jalousement, elle avait pour identité un numéro
de matricule – 42188 – qu’elle dut apprendre en
allemand. Suite à une épidémie de scarlatine,
une quarantaine fut observée de mi-juin à fin juillet
1944. Elle se souvint durant toute sa vie des humiliations subies
(défilé toutes nues devant les SS, nues sous la pluie,
prélèvements vaginaux, etc…). C’est à
Ravensbrück qu’elle souffrit le plus de la faim. Puis elle
fut transférée à Leipzig, dans un wagon à
bestiaux. C’est au camp de Hazag-Schönfeld qui dépendait
de Buchenwald que commença le travail forcé. Toutes
les semaines, de nouveaux convois arrivaient de Pologne, de Tchécoslovaquie,
de Grèce. De nouveaux numéros d’immatriculation
furent attribués, le sien fut le 3948. Pendant son séjour
à Leipzig, le camp fut bombardé à trois reprises,
elle se souviendra que six déportées furent tuées,
mortes sous les bombes alliées. Le 25 avril 1945, devant l’avancée
des armées alliées le camp fut évacué.
Sur les routes elle marcha pendant de longues journées. Celles
des prisonnières qui ne pouvaient plus suivre étaient
achevées d’une balle de revolver. Au cours d’un
bombardement, les S.S s’enfuirent, les laissant seules. Cherchant
de la nourriture, mendiant chez des particuliers, elles furent reprises
par la gendarmerie allemande qui les dirigea ensuite vers des centres
de réfugiés où elles trouveront des civils italiens,
grecs et quelques Français qui travaillaient en Allemagne.
Un jour, alors qu’elles étaient réfugiées
dans une grange dans la banlieue de Dresde, elle garda en mémoire,
que vers dix-huit heures, un grand coup de canon se mit à retentir
et le ciel s’embrasa de rouge. C’était la fin de
la guerre et des souffrances, c’était le 8 mai 1945.
Embrassades et larmes de joie saluèrent l’évènement
auquel elles ne croyaient plus. Dès le lendemain des soldats
russes étaient là. Le dialogue s’instaura tant
bien que mal. Les Russes leur donnèrent de la nourriture et
des vêtements récupérés dans la ferme.
Elles reprirent la route et rencontreront des colonnes de prisonniers
de guerre français. Habillées avec des calots et des
capotes de soldats, ils voyagèrent ensemble dans des wagons
de marchandises jusqu’à la frontière française.
La vue du drapeau tricolore leur arracha des larmes. À Charleville-Mézières,
elles furent séparées des prisonniers de guerre et après
avoir subi une désinfection, elles déclinèrent
leurs identités, expliquèrent leurs conditions de détention,
etc… Elles purent envoyer un télégramme à
leurs familles et on leur remit une somme de 3.000 F. La liberté
retrouvée, avec ses deux camarades, Marie-Louise Cipolla-Mirallès,
Marie Antoinette Bonnieu-Denjean, arrêtées le même
jour et ayant subi les mêmes souffrances, elles firent tout
pour rester ensemble jusqu’au jour où elles prirent le
premier train en partance pour Sète où elles y arrivèrent
le 1er juin 1945. Henriette Lalande reprit une activité militante.
Elle fut responsable de l’Union des femmes françaises.
En novembre 1946 elle fut candidate en 11e position, après
Marius Bravet, dans le 1er secteur électoral de Sète,
sur la liste conduite par le communiste Pierre Arraut. Peu de temps
après son retour à Sète, elle épousa,
le 4 août 1945, Eugène Isoird, docker qui fut prisonnier
de guerre durant cinq ans en Allemagne. Ils eurent trois garçons.
Eugène Isoird fut conseiller municipal communiste du 26 avril
1953 à fin mars 1977. Henriette Lalande-Isoird mena ensuite
une action de témoignage dans les établissements scolaires.
Elle fut élue présidente de la section de Sète
de l’Association des déportés, internés,
résistants et patriotes le 14 décembre 1998, elle le
demeura jusqu’en 2000.
SOURCES : Archives privées, Jacques Blin. — Jacques Blin,
Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier cettois puis sétois
de 1789 à 1950, Sète, à compte d’auteur,
2009, 181 p. [p. 104]. — Édouard Martin, Le Parti
communiste dans la Résistance, 1939-1941, maîtrise
sous la direction de Raymond Huard, UFR III – Université
de Montpellier, octobre 1992 , p. 140. — Jean Sagnes, notice
DBMOF, XXXIII, 1988, p. 152. — Le Travailleur du Languedoc,
du 23 novembre 1946. — Le Croque notes, bulletin intérieur
n°35 de l’Association des déportés, internés,
résistants et patriotes de Sète, octobre-novembre-décembre
1998. — Souvenirs rédigés par Henriette Lalande-Isoird
en Novembre 2003.
Jacques
BLIN